Qu’est-ce qu’on ferait de Marc Dutroux ?
Toute personne tenant un discours anti-carcéral a pu constater que la question ci-dessus revenait régulièrement. Si on abolissait la prison, que ferions nous alors des grands criminels ?
Tout d’abord, la criminalité enregistrée commise au niveau national ne cesse de baisser depuis 2011, pourtant on enferme toujours plus de personnes, ce qui est clairement un choix politique de la part des institutions judiciaires. Ensuite, si ce que nous appelons les grands criminels, ce sont les détenu.e.s incarcéré.e.s pour faits de violence sur personne, alors cela ne concerne qu’une infime minorité de détenu.e.s.
En effet, sur toutes les infractions commises au premier semestre 2018 en Belgique, moins d’un dixième sont des infractions contre l’intégrité physique alors que plus de la moitié sont des infractions qui portent atteinte à la propriété privée (vols, extorsion, fraudes, dégradation de la propriété privée.) La propriété privée est le facteur principal d’une société profondément inégalitaire et il est logique que ceux qui en sont le plus lésés cherchent à équilibrer la balance. En brandissant l’épouvantail de Marc Dutroux, on oublie que la majorité des personnes incarcérées sont en prison parce qu’elles sont pauvres et peu formées (45% n’auraient que leur CEB). Ce n’est pas que les personnes pauvres commettent plus d’infractions, c’est qu’elles sont plus sanctionnées à tous les niveaux de la chaîne pénale. Les quartiers pauvres sont plus surveillés par la police et l’absence d’emploi, de ressources, de logement ou de titre de séjour est un motif fréquemment utilisé pour placer une personne en détention préventive (entre 35 et 40% des personnes incarcérées).
Nous préférons reposer la question en ces termes : Pourquoi les politiques pénales et sécuritaires sont elles tant établies sur base des cas exceptionnels à la Dutroux ? Pourquoi ces « quelques personnes vraiment dangereuses » sont elles systématiquement sur-représentées dans les représentations culturelles (médias, séries tv, films) des personnes incarcéré.e.s par rapport à la réalité ?
Il n’empêche que si nous voulions tout de même répondre à la question posée, nous citerions l’abolitionniste Bianchi : « Reste le problème des individus véritablement mauvais ou fous. Dans ces cas, relativement peu nombreux, et, en dernier ressort, la privation de liberté peut s’avérer inévitable, tout au moins dans l’état actuel des choses. C’est une décision exceptionnelle qui devrait être prise uniquement comme mesure de neutralisation et appliquée de manière humaine, comme le serait n’importe quelle autre décision moralement discutable dans une situation problématique.
Néanmoins, même dans ces cas, il serait préférable de rechercher des options plus équitables et plus humaines reposant sur l’entraide, le bon voisinage et un esprit communautaire, au lieu de continuer à s’en remettre aux solutions proposées par les bureaucrates, les professionnels et un État centralisateur. » A cela s’opposent encore les inclusivistes radicaux. Selon eux, « la ségrégation n’est jamais une réponse viable » et on doit plutôt se concentrer sur la mise en place de supports sociaux accessibles et inclusifs dans la communauté, avec ses pairs ».
Sources :
Statistiques policières de criminalité, Belgique, 2000-1er semestre 2018, Police fédérale.
OIP Belgique, Notice 2016, p.63
Des points aveugles de la pensée abolitionniste dans le monde universitaire, Nicolas Carrier et Justin Piché.